lundi 3 avril 2017

Présentation des équipes de recherches


A bord du Marion Dufresne : et escale à Crozet.
                Le Marion Dufresne II, aussi désigné par le MD ou le « Marduf », est un navire français unique, à la fois ravitailleur et océanographique : il transporte la nourriture, l’équipement, les matériaux et le carburant nécessaires au fonctionnement des bases, mais aussi le personnel et visiteurs qui se rendent dans les îles australes, et est associé à une fonction scientifique de recherche (affrété alors par l’IPEV), muni d’un laboratoire embarqué, d’un sondeur et d’un carottier.
Long de 120 m et large de 20 m ce paquebot/cargo/pétrolier/porte-hélicoptère – qui a eu 20 ans en 2015 – pèse plus de 10 000 tonnes, peut transporter près de 5000 t, accueillir plus d’une centaine de passagers dont un équipage d’une quarantaine d’officiers et marins confondus et se déplace à une vitesse maximale de 16 nœuds (environ 30 km/h).
La vie à bord du Marion Dufresne est confortable en comparaison d’un cargo classique. Les cabines passagers, réparties sur 4 ponts, peuvent contenir 2 à 4 lits ou couchettes avec salle de bain équipée. On trouve dans les parties communes une bibliothèque, une salle de sport, une salle de conférence et de projection, un bar et un restaurant où sont pris les repas quotidiens à heure fixe, séparés en deux services en fonction du nombre de passagers à bord. Les passagers et l’équipage disposent aussi de laveries communes présentes sur chaque pont habité ainsi que d’une infirmerie tenue par le médecin de bord.



A gauche, cabine passagers 2 places du MDII, pont inférieur. A droite, salle de sport, pont supérieur, avant la jouvence, 2015 (©Laureline Chaise, MNHN, Henerges). 





A gauche, le Salon du Tonga Soa (« Bienvenue » en malgache) et le bar. A droite, le restaurant (©Laureline Chaise, MNHN, Henerges).


Lors d’une rotation océanographique, nous rencontrons à bord des équipes scientifiques soutenues par l’IPEV qui resteront sur le Marion tout au long de la traversée.
En 2016, nous avons rencontré les programmes :
-      OHA-SIS-BIO (Observatoire HydroAcoustique de la SISmicité et de la BIOdiversité dans l’Océan Indien ; Jean-Yves Royer, Institut Universitaire Européen de la Mer) qui chaque année, depuis 2010, dépose et/ou récupère des hydrophones placés pendant 1 an ou plus dans la colonne d’eau, à 1000-1300m de profondeur, pour enregistrer les bruits sous-marins basse-fréquence produits par les séismes ou les grandes baleines. En effet, sous l’effet conjoint de la température qui diminue et de la pression qui augmente avec la profondeur, la vitesse des ondes sonores atteint une vitesse minimum entre 1000 et 1300 m de profondeur ; cette couche d’eau à faible vitesse du son, telle un guide d’onde, piège les ondes sonores qui vont s’y propager sur de très grandes distances avec une faible atténuation. Les hydrophones placés dans cette tranche d’eau vont ainsi pouvoir capter des sons produits par des séismes ou des craquements d’icebergs à plusieurs milliers de kilomètres de distance, et une centaine de kilomètres pour les baleines.

     Le réseau d’hydrophones, distants de 1000 à 1500 km les uns des autres, permet alors par triangulation de localiser les sources (séisme, éruption volcanique, iceberg) ou par le comptage des cris de baleines d’identifier les espèces présentes et de suivre leur période de présence et leur migration saisonnière entre les différents sites. Grâce à ce dispositif, on recense 5 espèces et sous-espèces de grandes baleines dans l’océan Indien austral, et même des espèces non-identifiées. L’acquisition d’enregistrements continus par ce réseau, depuis 2010, permet ainsi de caractériser l’évolution du paysage sonore basse-fréquence de l’océan austral, liée à l’activité géologique, aux migrations des baleines et, sur certains sites, à l’activité anthropique (trafic maritime, exploration pétrolière).
Pour plus d’informations sur ce sujet :
Quelques résultats sur les baleines (article en anglais) :



Variation de la vitesse du son en fonction de la profondeur dans l’océan (Olivier Le Calvé, Université de Toulon ; http://lecalve.univ-tln.fr/). Variation de la Température (T), de la salinité (S) et de la vitesse du son (C) en fonction de la profondeur. ΔCS, ΔCet ΔCP respectivement l’influence de la salinité, de la température ou de la pression sur la vitesse du son : la salinité influence peu la vitesse du son, contrairement à la température qui a une influence importante jusqu’à 1500 m de profondeur et à la pression qui a une influence importance à partir de 1500 m de profondeur.

-       THEMISTO (Cédric Cotte, MNHN) : étude hydroacoustique du micronecton (faune marine composée de crustacés de taille inférieure à 10 cm) au moyen d’un transducteur placé sur la coque du navire et fonctionnant comme une sorte de sonar : qui est capable à la fois d’émettre et de recevoir un signal sonore (on parle dans ce cas d’acoustique active) sur une distance de 300 à 1500 m dans les trois dimensions. Le signal de retour permet aux océanographes d'estimer la taille ou le nombre approximatif des organismes présents (leur densité relative) et d’établir par la suite un lien entre le type d’environnement, l'abondance de micronecton et la présence ou non de prédateurs suivi par télémétrie. La différence entre le plancton et le necton est que le necton se déplace en nageant de manière active contre le courant alors que le plancton se laisse seulement porter par le courant.

-          Continuous Plankton Recorder (CPR) Survey (The Global Alliance of CPR Surveys ; www.sahfos.ac.uk): le CPR est un appareil servant à échantillonner le plancton océanique sur de grandes distances. Placé à l’arrière du navire en mouvement, le CPR filtre l’eau et capture le plancton sur une bande de soie comprise dans une cassette qui se déroule au fur et à mesure. Le plancton ainsi capturé est par la suite analysé et identifié le long de la bande de soie (dont la longueur déroulée correspond à la distance parcourue en fonction de la vitesse de déplacement du navire). Cette étude nous permet d’établir l’état de santé écologique des océans (Global Marine Ecological Status Reports).

Remise à l’eau du CPR, pont arrière du MDII, après récupération d’une bande de soie et mise en place d’une seconde cassette (©Laureline Chaise, MNHN, Henerges).

-          OISO (Océan Indien Service d’Observation ; Nicolas Metzl et Claire Lo Monaco, LOCEAN) : ce programme, initié en 1998, étudie l'évolution du CO2 océanique qui influence l'absorption du COanthropique rejeté dans l'atmosphère par les activités humaines, conférant ainsi à l'océan la capacité de moduler le changement climatique, mais qui induit en retour une diminution du pH de l'eau de mer (acidification des océans). Le programme OISO est présenté en détails dans le rapport d'activité 2014 de l'IPEV (page 20-23), disponible ici : 
http://www.institut-polaire.fr/we-content/uploads/2016/03/IPEV-RA2014_Reduit.pdf


L’un des laboratoires embarqués du MDII (©Laureline Chaise, MNHN, Henerges).

Le port des bases desservies dans les TAAF ne peuvent pas accueillir le Marion, d’où le transport à terre du personnel et du matériel se fait depuis le navire soit en hélicoptère, en zodiac ou en chaland en fonction de l’équipement des îles, de la charge et des conditions météo.




Mouillage du Marion Dufresne dans la Baie du Marin à Crozet, Île de la Possession (©Laureline Chaise, MNHN, Henerges).

Nous accostons en Baie du Marin qui accueille une colonie de manchots royaux de plus de 20 000 individus et qui est étudiée depuis de nombreuses années par les scientifiques dû à sa proximité avec la base (moins de 30 min à pied). Le manchot royal (Aptenodytes patagonicus) mesure un peu moins d’1 m de haut lorsqu’il se tient debout sur ses pattes et pèse en moyenne 12 kg. Il est plus petit que le manchot empereur (Aptenodytes forsteri) du film français « La marche de L’empereur » de Luc Jacquet sorti en 2005.C’est donc en zodiac que nous débarquons à la journée sur l’île de la Possession, où se trouve la base d’Alfred Faure, lors de notre arrêt à l’archipel de Crozet (46° 24’ S ; 51° 45’ E; 10/01/2016).




La manchotière (colonie de manchots royaux, Aptenodytes patagonicus) de la Baie du Marin à Crozet, Île de la Possession (©Laureline Chaise, MNHN, Henerges).

L’Île de la Possession de l’archipel de Crozet abrite aussi une colonie de grand albatros, ou albatros hurleur (Diomedea exulans) qui viennent se reproduire sur ses falaises, à quelques minutes à pied de la base scientifique d’Alfred Faure (©Laureline Chaise, MNHN, Henerges).

Il ne faut pas confondre manchot et pingouin ! Le manchot est un oiseau de la famille des Sphéniscidés (oiseaux de mer inapte au vol) qui vit dans l’hémisphère sud et ne vole pas mais est très bien adapté à la plongée. Tandis que le pingouin (Alca torda) est un oiseau de la famille des Alcidés (oiseaux marins de petite à moyenne taille qui se propulsent sous l’eau grâce à leurs ailes ; comme les macareux) qui vit dans l’hémisphère nord et peut voler. La confusion vient du fait que le manchot ressemble au Grand Pingouin (Pinguinus impennis), qui est une espèce éteinte depuis le XIXème siècle et est entretenue par le mot anglais pour « manchot » (« penguin »).





Petit et Grand pingouins (Alca torda à gauche et Pinguinus impennis à droite ; Wikipedia.fr)

Comme le cycle de reproduction des manchots royaux dure plus d’un an (16 mois), il n’est pas rare d’observer plusieurs stades différents du cycle de vie qui se chevauchent à une même période de l’année. En janvier 2016, nous avons pu observer des adultes en train de couver.

Le manchot royal, comme l’empereur, ne construit pas de nid (à l’inverse de la majorité des manchots) mais garde son œuf sur ses pattes pour le protéger du froid, caché sous un repli de peau (©Laureline Chaise, MNHN, Henerges).




Les juvéniles (ou poussins) âgés de plusieurs mois se regroupent en crèche (à gauche) pour se protéger au mieux des prédateurs. Lors de  leur première mue, ils remplacent leur épais duvet de plumes brunes par le plumage noir et blanc de l’adulte. A droite on peut voir un poussin qui réclame sa nourriture auprès d’un adulte (l’un de ses parents, qu’il reconnaît au chant) qui revient de la pêche en mer. Bien que les manchots puissent se reposer en restant debout, il n’est pas rare de les trouver en position allongée, notamment pour se protéger du vent (à droite). (décembre 2015 ; ©Laureline Chaise, MNHN, Henerges).

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