lundi 3 avril 2017

Le travail de terrain : HEnergES à Pointe Suzanne.


                Nous sommes arrivés sans encombres à Kerguelen le 16 janvier et avons pu débarquer à Port-aux-français (49° 21’ S ; 70° 13’ E).
                Nous sommes partis pour le site de Pointe Suzanne (49° 26’ S ; 70° 26’ E), quatre jours plus tard, le 20 janvier, à environ 20 km de la base pour une marche d’environ 5 heures.
 
Les pointillés noirs représentent le trajet emprunté à pied, ou en tracteur, de la base de PAF, indiquée par la croix rouge, au site de Pointe Suzanne, marqué de la flèche rouge (carte IGN des îles Kerguelen Est, au 1/100 000ème). Echelle : la Presqu’île du Prince de Galles mesure une longueur d’environ 11 km de Pointe Guite à l’Ouest, à Pointe Suzanne à l’Est.

Le transit
Dans le jargon taafien, nous parlons d’un « transit » pour désigner le voyage entre la base et un site d’étude. Le transit se fait généralement, sur la Grande Terre, à pied pour le personnel et, lorsque cela est possible (lorsque les sites sont accessibles via une piste) en tracteur pour les vivres et le matériel lourd et encombrant. Les cabanes des sites non accessibles en tracteur sont ravitaillées en vivres et fournies en équipement soit par hélicoptère pendant les OP (lorsque le Marion Dufresne est présent et quand les conditions météo le permettent), soit par voie maritime, en chaland, pour les îles du golfe du Morbihan. De même, pour les sites situés sur les îles du golfe, le personnel sera débarqué en zodiac ou en chaland.

Porte-hélicoptère du Marion Dufresne (Archipel de Crozet, 2015 ; ©Laureline Chaise, MNHN, Henerges)

Le Chaland, l’Aventure II (Port-aux-Français, Kerguelen, 2016 ; ©Laureline Chaise, MNHN, Henerges)

                Pointe Suzanne étant l’un des sites accessibles en tracteur, c’est ainsi qu’une partie de nos cantines, contenant le matériel scientifique nécessaire à notre étude sur le terrain, a été acheminée sur place, le reste ayant été déposé par hélicoptère lors de l’OP précédente pour limiter les trajets en tracteur. Ainsi, lors de notre transit à pied, nous n’avions sur nous que nos affaires personnelles, dans des sacs à dos de 50 à 70 L pesant en moyenne de 10 à 20 kg.
 
Isthme Bas, avec vue sur le Mont Ross en arrière plan, et des éléphants de mer couchés au bord d’un lac au premier plan (Kerguelen, février 2016 ; ©William Paterson, Henerges)

Pour rejoindre Pointe Suzanne, nous avons suivi la piste du tracteur au départ de Port-aux-français (ou « PAF ») en longeant la Baie de l’Aurore Australe jusqu’à Isthme Bas. Puis, avant d’atteindre Pointe Guite, nous sommes montés sur le plateau de la Presqu’île du Prince de Galles et l’avons longé jusqu’à son point culminant à 200 m d’altitude.

Vue sur le plateau de la Presqu’île du Prince de Galles depuis Isthme Bas (Kerguelen, 2016 ; ©Laureline Chaise, MNHN, Henerges)

Transit à pied entre Pointe Suzanne et Port-aux-Français, plateau de la Presqu’île du Prince de Galles, à 150 m d’altitude (Kerguelen, 2016 ; ©Laureline Chaise, MNHN, Henerges)

Le site de Pointe Suzanne se divise en deux parties : Pointe Suzanne haut, où se trouve un premier refuge, sur le plateau, accessible en tracteur ; et Pointe Suzanne bas, en contre-bas, où se trouve notre cabane, seulement accessible à pied ou en hélicoptère (autrefois le site du bas était aussi accessible en tracteur, mais après s’être enlisé plusieurs fois sur la pente raide, cet accès a été abandonné). Les deux sites sont séparés par un dénivelé d’environ 200 m que l’on parcourt en une trentaine de minutes à pied.
 
Refuge de Pointe Suzanne haut, 200 m d’altitude, avec vue sur les bâtiments de la base de PAF au loin (Kerguelen ; ©Laureline Chaise, MNHN, Henerges)


Pointe Suzanne bas, avec vue sur la cabane (Kerguelen ; ©Suzanne Gallon, Henerges 2015)

                Le transit à pied jusqu’à Pointe Suzanne n’est pas une marche difficile en soit. Elle peut se faire en une demi-journée et souvent sur du plat, voire avec un faible ou court dénivelé. Ce qui peut rendre le transit plus physique ou compliqué sont les conditions dans lesquelles on l’effectue, comme le poids du sac ou les conditions météo.
Il n’est pas rare à Kerguelen d’avoir un vent qui souffle à 30 voire 50 nœuds (soit plus de 50 ou 90 km/h) avec des rafales à 70 nœuds ou plus (soit près de 130 km/h) ! Un vent de face ou de profil peut vous ralentir voire vous faire perdre l’équilibre, surtout lorsque vous êtes chargés. Ajoutez à cela la pluie et le froid et il devient essentiel d’être équipé avec des vêtements à la fois chauds et respirant, mais surtout étanches et coupe-vent pour éviter tout risque d’hypothermie ! (car bien que les températures restent positives pendant l’été austral, le ressenti sera très influencé par l’humidité et la présence de vent). Même si vous vous réchauffez en marchant, vous vous refroidissez très rapidement à chaque pause et arrêt ! De plus, lorsqu’il fait beau, il est essentiel de vous protéger du soleil lorsque vous vous retrouvez près du 50ème parallèle (donc près du pôle Sud) en plein été austral !
Les conditions météo influencent aussi le terrain. En effet, Kerguelen est une succession de sol soit très caillouteux, soit très humide. Ainsi en cas de vent, on a vite fait de glisser sur une pierre qui roule, et après de fortes pluies il peut se former des « souilles » (jargon taafien) soit des trous boueux (comme des marécages) qu’on ne détecte pas toujours du premier coup d’œil et dans lesquels on peut tomber et s’enliser.
Il est donc essentiel de connaître parfaitement son itinéraire lors d’un transit et d’avoir des repères GPS, car à part en ce qui concerne les pistes du tracteur, il n’y a pas de chemins proprement délimités ou balisés pour se déplacer sur Kerguelen. Par contre, sur terrain plat et par temps clair, on peut se repérer sur de très grandes distances.
                C’est pour cela que nous devons respecter des règles de sécurité strictes lors des transit : être minimum deux ou trois en fonction des zones traversées et prévenir la base de son départ et de son arrivée par radio.


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