La base de
Port-aux-français est une base dite permanente. Cela signifie qu’elle est
occupée toute l’année, même si l’ensemble du personnel est renouvelé d’une
année sur l’autre. Parmi la cinquantaine d’hivernants, qui restent à Kerguelen
pour une mission d’un an, se trouve à la fois des militaires et des civils. C’est
grâce à eux à la fois que la base tourne et vit, est dirigée et entretenue, et
aussi que les programmes scientifiques (IPEV, ou TAAF pour la Réserve
Naturelle) de suivi de la faune et de la flore sont maintenus tout au long de
l’année.
Le
drapeau français et le drapeau des Terres australes et antarctiques françaises
(TAAF) qui s’élèvent au centre de la base (Port-aux-français, Kerguelen
2015 ; ©Laureline Chaise, MNHN, Henerges).
Les trois corps de l’armée sont représentés. L’armée de terre s’occupe du garage (entretien et réparation des
véhicules) et du système « chaud-froid » (l’ensemble du circuit
d’alimentation en eau des bâtiments de la base : eau potable, lave-linge,
chauffage etc.). L’armée de l’air
s’occupe des services de télécommunication (« BCR » = Bureau des
Communications et Radio, que les équipes en déplacement en dehors de la base,
en cabane, contactent tous les jours à 17h30 par radio pour prévenir que tout
va bien et recevoir la météo du lendemain) et de la poste (la philatélie, ou
timbrologie, étant très active dans les TAAF !), ainsi que de
l’approvisionnement (« l’appro » : gestion des stocks et de la
comptabilité de la « coop » et du matériel logistique). Enfin, les marins sont en charge de la
centrale électrique de la base (ainsi que de l’entretien des équipements
électriques des bâtiments), de l’ensemble de la sécurité sur site (tel le
service de pompier) et de la flottille du port de Port-aux-français (notamment
l’entretien et le pilotage du chaland, l’Aventure II).
Port-aux-français
« PAF » (Kerguelen 2016, TAAF ; ©Laureline Chaise, MNHN,
Henerges)
La base est ainsi autonome en eau et en électricité. En effet, une centrale
électrique a été bâtie sur place pour fournir la base en énergie, et de
puissance largement suffisante pour remplir sa tâche comme elle ne tourne a
priori jamais à plein régime. De plus, un système de pompage des eaux prend sa
source dans un étang situé au nord de la base et dont le niveau, entretenu par
des sols très humides riches en eau et les précipitations annuelles (environ
700 mm d’eau/an), n’a jamais failli en plus de 60 ans de fonctionnement. L’eau
récupérée est par la suite filtrée et purifiée en plusieurs étapes (ex. filtre
à sable etc.), quotidiennement contrôlée puis stockée en quantité avant d’être
redirigée dans le circuit d’eau souterrain de la base en fonction de la
demande. Les eaux usées sont rejetées directement dans l’océan, d’où la
nécessité d’utiliser des produits de douche et d’entretien (tels la lessive ou
le shampoing) écologiques, biodégradables et respectueux de l’environnement.
Les résidents annuels de Port-aux-français restent néanmoins dépendants du ravitaillement par le
Marion Dufresne II, notamment en nourriture (le frais : produits laitiers,
viande, poisson, légumes et fruits etc., étant stocké dans de grands frigo dans
un hangar, ainsi que tous les produits secs, longue conservation, en boîte
etc.) et en carburant (pour les tracteurs, voitures, chaland…).
Ces métiers sont complétés par des contractuels civils, souvent résidents
de la Réunion, pour l’entretien des infrastructures. Chaque année, environ une
douzaine « d’infra » (plombiers, peintres, électriciens…) s’occupent
au besoin de la rénovation des bâtiments tels les résidences etc.
S’ajoute à cela deux médecins (un
médecin généraliste, urgentiste ou issu de l’armée, associé à un médecin
interne ou infirmier) qui s’occupe de l’hôpital de la base (consultations,
soins, interventions etc.), une équipe aux cuisines (chef cuisinier, second de
cuisine, boulanger-pâtissier et technicien de surface) – les repas sur base
étant pris tous les jours en commun à heure fixe – ainsi qu’un chef de
district. Le chef du district est le représentant direct du préfet des TAAF sur
place, pendant un an il dirige l’ensemble de la base soit toute personne,
permanente ou de passage, qui y réside.
L’entrée
du restaurant, « Ti’Ker », adjacent aux cuisines, avec vue sur
l’église Notre-Dame-des-Vents. A l’étage se situe la salle de loisir (avec le
bar, « Totoche ») ainsi que la salle de musique (Port-aux-français,
Kerguelen 2015 ; ©Laureline Chaise, MNHN, Henerges)
Port-aux-français est aussi équipée –
en plus d’une dizaine de résidences, pouvant accueillir jusqu’à 120 personnes
l’été, et d’un restaurant – de divers bâtiments
de vie commune : une salle de loisir, une salle de musique, une salle
de sport équipée, une salle de projection servant de salle de cinéma et une
bibliothèque. Une petite église, Notre-Dame-des-Vents, perchée sur une colline
à l’ouest de la base représente le lieu de culte le plus austral.
Port-aux-français est aussi un lieu unique et d’importance du fait de
la présence d’une station météorologique (gérée par Météo France) qui
enregistre toute les heures différents paramètres (précipitations, vitesse et
direction du vent, températures maximale et minimale, insolation etc.) et
effectue des lâchés de ballon quotidien pour faire des mesures atmosphériques,
ainsi qu’une antenne du CNES (Centre National d’Etudes Spatiales) pour le suivi
et la surveillance des satellites en orbite.
Route menant aux
bâtiments météo et CNES situés quelque peu à l’écart, à l’extérieur de la base
(Port-aux-français, Kerguelen 2016 ; ©Laureline Chaise, MNHN, Henerges)
Les autres hivernants vont être de jeunes volontaires civils à l’aide technique (VCAT) engagé soit par les TAAF (pour la Réserve Naturelle), soit
par l’IPEV (pour les programmes
scientifiques soutenus).
La Réserve Naturelle engage 2 à 3 VCAT par an pour réaliser
l’inventaire (dénombrement et cartographie) et le suivi démographique des
oiseaux et mammifères marins, mais aussi la gestion des populations animales
introduites (le renne, le lapin, le chat…) : évaluation de leur impact sur
l’écosystème, protocole de régulation ; ainsi que l’inventaire de la flore
et la lutte contre les espèces végétales invasives (le pissenlit, des graminées
etc.). Pour plus d’informations : http://www.taaf.fr/-La-reserve-naturelle-nationale-des-Terres-australes-francaises-
L’Institut polaire français Paul-Emile
Victor (IPEV) finance divers programmes pour engager annuellement des
volontaires pour effectuer la récolte de données sur le terrain :
-
POPCHAT (n°279 « Assessing the anatomy
of predator-prey relationships to manage reliably cat populations in the
ecosystem of Kerguelen » ; Dominique Pontier, LBBE UCBL) s’intéresse
à la dynamique des populations de chats domestiques retournés à l’état sauvage
(on parle alors de chat féral ou chat haret) issus d’introductions volontaires
dans les années 50, en étudiant leur génétique, leur répartition sur l’île
ainsi que leur relation proie-prédateur avec le lapin ; cette étude sert
notamment à la Réserve Naturelle pour la régulation des populations de chats
sur certains sites dits sensibles, tels les aires de reproduction de certains
oiseaux marins.
-
ORNITHOECO (n°109 “Seabirds and marine mammals
as sentinels of global changes in the Southern Ocean” ; Henri
Weimerskirch, Christophe Guinet, CEBC Chizé) étudie l’écologie alimentaire
d’oiseaux et de mammifères marins, représentant des prédateurs dits supérieurs
(ou superprédateurs, se trouvant en bout de chaîne alimentaire dans leur réseau
trophique), par un suivi individuel à long terme, comme un indice des
changements climatiques qui affectent les écosystèmes océaniques, ainsi que des
impacts de la pêche, pour être en mesure de proposer des actions de
conservation.
-
OISEAUX PLONGEURS (n°394 “Foraging Ecology and
Energetic of Southern Diving Predators in Relation to Climatic Variability”;
Charles-André Bost, CEBC Chizé) étudie les stratégies alimentaires et
énergétiques des oiseaux marins qui plongent pour s’alimenter, suivant leurs
déplacements dans les 3 dimensions de l’espace et leur relation avec leur
environnement (habitat, colonie etc.). Ils servent ainsi d’indicateurs de la
disponibilité en ressource alimentaire, et donc de l’état des écosystèmes
marins, impactés par les changements globaux.
-
SUBANTECO (n°136 “Subantarctic biodiversity,
effects of climate change and biological invasions on terrestrial biota”; David
Renault, ECOBIO, Rennes) étudie la biodiversité des milieux subantarctiques
(variations dans le temps et l’espace, pour anticiper son évolution) et
notamment les mécanismes d’invasions biologiques des écosystèmes terrestres et
les effets des conditions environnementales sur l’écologie d’espèces végétales
et insectes.
Et aussi des techniciens géophysiciens
et informaticiens pour suivre et enregistrer l’activité magnétique de la Terre.
Pour ces diverses études, Port-aux-français comprend aussi des laboratoires scientifiques équipés
(géophysique, biologie etc.)
Une équipe logistique de l’IPEV est aussi présente sur place pour
accompagner les scientifiques des programmes soutenus dans leur mission de
terrain. L’IPEV engage notamment chaque année pendant la campagne d’été un
menuisier pour aider à la rénovation et l’entretien des diverses cabanes sur
les sites d’étude.
Vue sur le port, avec
le chaland (à gauche) et sur le laboratoire de biologie, le
« Biomar » (à droite). Entre les deux, des éléphants de mer sont
entrain de muer (Port-aux-français, Kerguelen 2015 ; ©Laureline Chaise,
MNHN, Henerges)
Nous avons aussi rencontré sur
place les équipes ETHOTAAF
(n°354 « Behavioural ecology of subantarctic birds » ; Francesco
Bonadonna, CEFE) qui étudie le comportement des oiseaux marins comme par
exemple les facteurs influençant le choix du partenaire chez les pétrels, en se
concentrant sur un sens négligé chez les oiseaux: l'odorat (il semblerait que
certaines information de qualité soient transmises à travers l'odeur personnel
des pétrels). Ou encore l’environnement acoustique et l’orientation des
individus au sein d’une colonie de manchots royaux pour comprendre la dynamique
de formation de ces colonies d’oiseaux marins et les mouvements des individus
dans cet environnement considéré comme surpeuplé ; et SALMEVOL (n°1041 « Evolutionary ecology of salmonids
colonization of the Kerguelen Island » ; Philippe Gaudin, INRA) qui
étudie l’écologie évolutive des salmonidés (famille de poissons à nageoires
rayonnées, comme le saumon ou la truite) et les conditions de succès de la
colonisation des eaux de Kerguelen par la truite, introduite il y a 60 ans (et
la seule qui ait colonisé un grand nombre de nouvelles rivières), en lien avec
les changements globaux.
De nombreux autres programmes
scientifiques existent, notamment dans le domaine des Sciences de la Terre et
de l’Univers (ex. contrôle du niveau de la mer, étude géologique de la
composition chimique des roches etc.).
Et ceci n’est qu’un petit échantillon de la grande
richesse et diversité qu’offrent les Terres australes françaises (pour de plus
amples information : http://www.institut-polaire.fr/ipev/soutien-a-la-science/les-programmes-soutenus/).
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