Le refuge de Pointe Suzanne haut sert actuellement principalement d’abris lors des transits (ou de couchage supplémentaire en cas de surpopulation sur le site de Pointe Suzanne bas) et de stockage de vivres et de matériel acheminés depuis la base par tracteur. Il s’agit d’un module composé d’un sas d’entrée et d’une salle de vie équipée d’une cuisine et donnant sur une chambre contenant deux lits superposés (soit quatre couchages). Le sas est séparé de la cuisine et de l’extérieur par deux portes étanches qui empêchent l’entrée de rongeurs indésirables.
Sauf précision, en parlant de « Pointe Suzanne » nous penserons dorénavant à Pointe Suzanne bas. Pointe Suzanne est un site remarquable de Kerguelen de par sa beauté et sa grande biodiversité, sans compter sa facilité d’accès et sa proximité avec la base. En effet, certains autres sites d’étude connus et appréciés de Kerguelen ne présentent qu’un ou deux types d’espèces à observer et à étudier en particulier (comme la colonie de manchots royaux du Cap Ratmanoff ou les albatros du site de Sourcil Noir, qui n’en demeurent pas moins magnifiques). Tandis que Pointe Suzanne n’est pas seulement un site privilégié pour la mue des éléphants de mer mais aussi pour la reproduction des otaries à fourrure. On y trouve de plus le fameux chou de Kerguelen, plusieurs nids de grand albatros et d’albatros fuligineux, une colonie de manchots papous et de cormorans. Sans compter quelques manchots royaux, gorfous sauteurs ou otaries d’Amsterdam qui viennent régulièrement se reposer sur ses plages.
Le pissenlit est une espèce invasive à Kerguelen, qui se répand facilement sur toute l’île grâce au vent, et dont le jaune des fleurs remplace petit à petit le rose de l’Acéna (Aceana adscendens) qui est, elle, une plante endémique (Pointe Suzanne ; ©Laureline Chaise, MNHN, Henerges)
Paysages de Pointe Suzanne : plages volcaniques basaltiques abritant entre autre des colonies d’otaries à fourrure et de manchots papous (Kerguelen ; ©Laureline Chaise, MNHN, Henerges)
Différentes espèces cohabitant à Pointe Suzanne (éléphants de mer en mue, otaries, manchots papous ou manchots royaux), contribuant à la richesse et à la diversité biologique de ce site (Kerguelen ; ©Laureline Chaise, MNHN, Henerges)
Pour ce qui est de la vie à Pointe Suzanne, la cabane est l’une des plus « rustiques » que l’on peut trouver à Kerguelen comparé aux nombreux programmes scientifiques qui l’utilisent (les modules qui la composent étaient d’ailleurs au départ seulement temporaires mais ont été maintenus et entretenus par la suite dû à la grande demande des scientifiques). Une des particularités du site est qu’il n’y a pas de point d’eau douce à proximité. Ainsi, toute l’eau destinée à la consommation (cuisine et boisson) provient de bouteilles ou containers déposés à l’avance par hélicoptère. En conséquence, le mot d’ordre est que nous sommes en restriction d’eau, ce qui signifie : pas de douche ! Depuis 2015 néanmoins, cette restriction a pu devenir moins stricte après l’installation d’un système de récupération d’eau de pluie qui permet de renouveler plus facilement les réserves d’eau potable (qui doit être filtrée avant utilisation tant que celle-ci n’est pas contaminée par le sel des embruns marins).
Citerne de récupération de l’eau de pluie à droite, avec les touques de tri des déchets recyclables, et panneau solaire à gauche (Pointe Suzanne, Kerguelen ; ©Laureline Chaise, MNHN, Henerges)
La cabane est formée de 4 modules (ou cabanons) en bois reliés entre eux par une terrasse de planches. Il nous faut donc sortir et passer par l’extérieur pour passer d’une pièce à l’autre. La cabane est pourvue ainsi d’une cuisine, d’un atelier (servant à la préparation du matériel et le stockage des échantillons) et de deux chambres de 2 et 3 places.
La cabane de Pointe Suzanne bas est flanquée de deux caisses en bois retournées, déposées autrefois par hélicoptère : l’une sert à stocker les réserves d’eau en bouteille à droite, et l’autre sert d’abri aux toilettes sèches installées à gauche (Kerguelen ; ©Laureline Chaise, MNHN, Henerges)
L’un des modules de la cabane servant de chambre à coucher, contenant 2 lits superposés (Pointe Suzanne, Kerguelen ; ©Laureline Chaise, MNHN, Henerges)
La qualité et la diversité de la nourriture, ainsi que les instants de convivialité autour des repas, sont très importantes voire essentielles pour le moral sur le terrain ! Ainsi, nous ne manquons de rien : des réserves de nourriture pouvant se conserver longtemps au sec et à température ambiante (pâtes, riz, semoule, légumes en boîte, fromage sous vide, biscottes, céréales, cacao, lait en poudre, œuf en poudre, tablettes de chocolat, confiture, pâte à tartiner, sauces, crèmes dessert, épices, pâtés, plats lyophilisés, café, thé, soupes…) sont acheminées à l’avance par tracteur, et réapprovisionnées au besoin au long de l’année, puis placées dans des touques solidement attachées tout autour de la cabane. Pour cuisiner, nous disposons d’une gazinière équipée d’un four, qui constitue aussi l’une de nos seules sources de chauffage. Toute la nourriture « fraîche » (viande, poisson, fromage, fruits et légumes, œufs, beurre…) doit être commandée auprès des cuisines de la base (en fonction des réserves) avant notre départ et transportée avec nous à pied. Elle est ensuite conservée dans une touque placée dehors à l’ombre et servant de réfrigérateur naturel. Nous disposons aussi de réserves de farine et de levure pour pétrir quotidiennement notre propre pain. Il faut savoir être inventif et, avec les bons ingrédients, rien ne nous empêche de préparer un « haggis maison » pour la Burns Night (une fête écossaise), une galette des rois pour l’Epiphanie ou une soirée pizza !
Les touques contiennent les réserves de nourriture pour toute l’année (Pointe Suzanne, Kergueken ; ©Laureline Chaise, MNHN, Henerges)
Le module cuisine équipée de la cabane (Pointe Suzanne, Kerguelen ; ©Laureline Chaise, MNHN, Henerges)
Sur le terrain, nous sommes des intrus dans un milieu naturel et sauvage souhaitant le rester. Notre présence doit donc causer le minimum de perturbations, et si possible temporaires. C’est pourquoi par exemple nous trions nos déchets. Nous séparons le plastique, le verre, l’aluminium et le fer, mais aussi les déchets contaminés ou toxiques (résidus de colle, aiguilles sales etc.) qui seront rapatriés à la Réunion via le MD pour y être traités (ce qui a un coût non négligeable !). Le reste (papier, carton…) sera incinéré sur place.
La cabane est équipée en électricité via un panneau solaire lors des jours de beau temps, qui peut être relayé par un générateur électrique fonctionnant à l’essence la nuit.
C’est bien beau tout cela vous allez me dire… Bon OK, il n’y a pas de salle de bain toute équipée… mais qu’en est-il des toilettes ? Et bien elles se trouvent tout autour de vous, en plein air ! Quel plaisir de vous frayer un chemin jusqu’à la plage parmi un groupe d’otaries belliqueuses lors d’un moment d’urgence, ou de vous faire accepter entre quelques éléphants de mer ronflant dans un instant de méditation (après avoir prévenu vos collègues que vous alliez « faire un tour »)… certes un peu venteux et humide lors des jours de pluie, mais quelle vue sur la mer ! En 2015, des toilettes sèches ont été installées dans une caisse en bois retournée pour plus de confort (toujours au grand air – pour la vue ! – mais protégées de la pluie et du vent) pourvues d’un sceau à vider dans la mer et rempli d’herbe en guise de sciure ; et le papier toilette est toujours à traiter avec les déchets incinérables (on ne jette rien de non biodégradable à la mer pour ne pas polluer !).
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