mercredi 16 décembre 2015

Présentation du programme : qu’est-ce que signifie « HEnergES » ?



Présentation du programme : qu’est-ce que signifie « HEnergES » ? 


Le programme n°1037 Henerges (pour « Huddling Energetics of moulting Elephant Seals » : thermal ecology of moulting elephant seals / « Energétique du comportement d’agrégation chez l’éléphant de mer en mue » : écologie thermique des éléphants de mer en mue) est un programme scientifique de recherche en Sciences du vivant dirigé par Caroline Gilbert (ENVA, UMR 7179 CNRS/MNHN), en collaboration avec André Ancel (DEPE IPHC UMR 7178 CNRS/UdS), Dominic McCafferty (Glasgow University, UK) Susan Gallon et le programme IPEV n°109 (Christophe Guiné, CEBC CNRS Chizé), et soutenu par l’institut polaire français Paul Emile Victor (IPEV). Le site d’étude de ce programme est situé à Kerguelen (49°26’S; 70°23’E), un archipel des Terres Australes et Antarctiques Françaises (TAAF), et plus particulièrement à la colonie d’éléphants de mer de Pointe Suzanne. 

Carte de Kerguelen © TAFF


Pour quelle raison et dans quel but s’intéresse-t-on aux éléphants de mer ?

Comme beaucoup d’autres oiseaux ou mammifères marins, les éléphants de mer austraux (Mirounga leonina) sont confrontés à des périodes contrastées en terme de balance énergétique. Ils alternent en effet des périodes de recherche alimentaire en mer, pendant lesquelles ils restaurent leurs réserves énergétiques, avec des périodes de jeûne à terre, sur la colonie où ils viennent se reproduire ou muer. Lors de la mue, une phase coûteuse en énergie, les éléphants de mer sont observés en groupes, les individus étant plus ou moins agrégés densément selon les conditions climatiques locales. Le comportement de thermorégulation sociale est une stratégie d’économie d’énergie largement utilisée dans le monde animal, par les oiseaux comme les mammifères confrontés à de fortes dépenses énergétiques. Cependant, ce comportement et les bénéfices associés n’ont encore jamais été étudiés chez les éléphants de mer. 

Cycle de vie annuel d’un éléphant de mer austral (Mirounga leonina)
© Henerges



Ce projet repose ainsi sur l’étude du comportement de thermorégulation sociale, stratégie d’économie d’énergie utilisée par les éléphants de mer au cours de leur période de mue sur la colonie. Nous supposons que les adaptations comportementales et physiologiques liées aux agrégations plus ou moins denses des éléphants de mer au cours de leur mue pourraient être influencées par leur condition corporelle ainsi que les contraintes climatiques. Les agrégations pourraient ainsi permettre aux individus de minimiser le temps passé à terre à jeûner, nécessaire au renouvellement de leur peau et fourrure lors de leur mue. Plus précisément, nos principaux objectifs sont de déterminer comment se comportent les éléphants de mer pendant la mue (regroupement, posture, habitat utilisé, déplacements, etc.) et de déterminer comment ils font face à ce stress énergétique (évolution de la composition corporelle, de la température corporelle, des flux de chaleur, mesurés par photos à thermographie infrarouge, etc.) en fonction des conditions climatiques environnementales.


Agrégations d’éléphants de mer sur différents types d’habitat
© Henerges

Nos premiers résultats montrent en effet une utilisation spécifique de l’habitat par les éléphants de mer en fonction du stade de mue (d’où des contraintes énergétiques en termes de pertes thermiques), ainsi qu’une adaptation du comportement d’agrégation en fonction des conditions météorologiques et corporelles. Ils se regroupent plus densément lors de conditions météorologiques défavorables (en fonction de l’habitat), et les individus à plus faible indice de masse corporelle se regroupent plus souvent. De plus, nous avons mis en évidence grâce aux premières données que le comportement d’agrégation permet le maintien d’un gradient de température indépendant de la température ambiante, ainsi qu’une optimisation de la température de mue, ceci pouvant permettre ainsi d’accélérer la mue. Ces premiers résultats semblent ainsi confirmer nos hypothèses.

Photo infra-rouge d’un groupe d’éléphants de mer pendant la mue
© Henerges

Cette étude nous permettra ainsi d’explorer l’écologie thermique d’une espèce soumise à de fortes contraintes énergétiques, afin de mieux comprendre comment les organismes sont capables de s’adapter à leur environnement dans le contexte des changements climatiques actuels.


Un institut français pour la recherche en milieu polaire
L’institut français polaire Paul Emile Victor, ou IPEV (www.institut-polaire.fr), basé à Brest et formé d’une cinquantaine de personnels permanents, n’est pas un organisme de recherche à proprement parler, mais un groupement d’intérêt public français constitué de différents organismes publics (tels le Ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, le Ministère des Affaires étrangères, Ifremer, le CEA, le CNES, le CNRS, les TAAF, Météo-France etc.)

Logo de l'IPEV © IPEV.FR


L’IPEV organise et anime en moyenne 80 programmes de recherche scientifique nationale dans les régions polaires de l’Arctique (au Pôle Nord) ou de l’Antarctique (au Pôle Sud), jouant le rôle d’agence de services (développant les moyens humains, logistiques, techniques, financiers et le cadre juridique nécessaire) en offrant son soutien aux laboratoires de recherche publique français souhaitant mener des études en milieu polaire des deux hémisphères. Ceci tout en favorisant la concertation scientifique et logistique internationale, encourageant le développement des connaissances et des technologies et suscitant l’intérêt du public pour les milieux polaires.


Carte globe des îles subantarctiques desservies © TAFF

L’institut assure ainsi la gestion de six bases (réparties sur l’île du Spitzberg en Arctique, les îles subantarctiques de Kerguelen, de Crozet et d’Amsterdam au Sud de l’Océan Indien, et en Terre Adélie et sur le plateau Antarctique), de deux navires océanographique et polaire (respectivement, le Marion Dufresne 2 dans l’Océan Indien, et l’Astrolabe en Antarctique) et recrute chaque année plusieurs dizaines de techniciens et volontaires au service civique (http://vsc.ipev.fr) pour des missions de durées variables sur les bases, en lien avec les programmes scientifiques des laboratoires commanditaires.